LE PRÊTRE AU CINÉMA, un héros à part.
LE PRÊTRE AU CINÉMA, un héros à part.
Comment les cinéastes s'emparent-ils de la figure du prêtre?
Parfois moqué voire attaqué, surtout dans le cinéma français, il est dans tous les cas "l'homme mis à part", qui inspire le respect car il est le représentant du sacré.
Démodé le prêtre au cinéma?
Peut-être moins qu'on ne pourrait le préjuger...
Dans son dernier film Gran Torino, Clint Eastwood fait intervenir, parmi les seconds rôles, un jeune prêtre irlandais qui crève l'écran et qui n'est pas pour rien dans le succés du film.
Ce jeune Père Janovitch (Christopher Cayley) a accompagné dans ses derniers instants la femme du héros octogénaire (Eastwood lui-même) et lui a promis qu'il confesserait son mari. Un ancien du Vietnam, raciste, égoïste, se confesser à ce jeunot, ce petit cureton tout frais sorti du séminaire...! Vous rêvez!
Mais ne vous y fiez pas, le jeune prêtre sait être fidèle à ses promesses...Et en cela, il incarne parfaitement la fidélité et la persévérance du Bon Pasteur qui ne se lasse pas de retrouver sa brebis perdue.
Avant lui, le prêtre a eu une longue histoire au cinéma...
1925
L'Abbé Constantin
(film muet de Julien Duvivier).
Monsieur l'Abbé Constantin est un homme soucieux de la paix entre les hommes en dépit des clivages sociaux.
Il annonce un autre grand pacificateur: l'italo-national Don Camillo.
Don Camillo, l'image idéale du pasteur affectueux et familier.
Ce Don Camillo, créé par le génial Fernandel, est incontournable!
Demandez autour de vous:le prêtre au cinéma, c'est lui!
Le bon curé de village de Brescello affronte un ennemi "intrinséquement pervers": le communisme !
A l'écran, c'est plutôt un communisme bon enfant. Mais pour l'auteur des romans d'où furent tirés les scénarios ( giovannino Guareschi), le communisme doit être combattu et abattu et c'est pour le combattre qu'il écrit les histoires de son robuste curé. Ce dernier lutte avec son physique impressionnant de santé, mais aussi et surtout, il possède une arme secrète, plus sophistiquée que celles de 007: le grand crucifix en bois de l'église qui lui parle à haute voix. Et comment faire parler Dieu dans un film sans que cela ne tourne au ridicule meurtrier?
En faisant du BON cinéma!
Le Christ en bois est profondément regardé par la caméra de Duvivier (et des réalisateurs successifs de la série). Quand il parle à Don Camillo, c'est le plus souvent ce dernier qu'on voit à l'écran et c'est à travers lui que nous entendons la Parole de Dieu. Intimité et familiarité n'empêchent nullement distance,respect et profondeur.
Ce surnaturel affectueux est possible grâce à la voix de Jean Debucourt ("la voix du Seigneur" comme dit le générique) dont l'autorité et la douceur font merveille.
Bien plus qu'avec ses poings, c'est avec son grand coeur que Don Camillo triomphe, et avec une foi toute remplie de raison et de bon sens.
Don Camillo reste un des plus grands succès du cinéma français et il a rétabli une confiance dans la figure extérieure traditionnelle du prêtre, abîmée par des décennies d'anticléricalisme, dont profitent encore nombre de prêtres d'aujourd'hui.
Don Camillo incarne le prêtre rempli de Foi et de bon sens face à toutes les idéologies qui nient les les droits de Dieu socles de ceux de l'homme.
La figure du prêtre pasteur, au cinéma, est naturellement sympathique.
La messe est finie" de Nanni Moretti (1985) en offre un exemple plus récent et...inattendu.
Si le ton du film est léger, car c'est celui du style Moretti (réalisateur et acteur du personnage principal du prêtre), le fond est plutôt désespérant: un jeune prêtre, venu d'une paroisse rurale traditionnelle, arrive dans une banlieue de Rome où il ne découvre chez les "fidèles" qu'échecs et ruptures.
Ses efforts de pasteur dévoué sont sans effets, sinon sur le spectateur qui découvre l'ingratitude d'un "métier" exercé dans de telles conditions, mais ils sont récompensés par la jolie scène finale, tout en cinéma:
à la fin de son ultime messe, une messe de mariage, les mariés se mettent à danser dans l'église. Ils sont imités par l'assemblée, dans une scène surréaliste qui rend enfin au pauvre prêtre (que la critique a jugé "buté" face aux réalités de la vie) le sourire qu'il a vainement cherché à allumer chez ses paroissiens.
Peut-être, pour ce dernier mariage, aura-t-il été entendu dans la supplique qu'il fait à tous les nouveaux mariés:
" Je vous demande trois choses: la fidélité réciproque, l'éducation de vos enfants... et la fidélité réciproque!".
Parmi les brebis du pasteur, les jeunes sont souvent privilégiés, et le cinéma n'oublie pas que le prêtre est aussi éducateur.
Un exemple, entraînant comme Hollywood sait l'être, est donné en chansons dans "La route semée d'étoiles "de Léo Mc Carey (1941).
Le prêtre est spécialement serviteur des pauvres car à l'image de Jésus Christ, comme dans le célèbre "Monsieur Vincent "de Maurice Cloche (1947), qui a fourni au cinéma français et réaliste d'après- guerre ainsi qu' à Pierre Fresnay une occasion d'exercer ses talents.
Pierre Fresnay y est mémorable dans le rôle de Saint Vincent de Paul, montrant à quelles extrémités peut conduire la charité -la scène où il remplace le galérien épuisé est inoubliable-, le film a sans doute vieilli, mais pas la leçon.
En outre, l'évocation de la France du début du XVIIe siècle est remarquablement juste.
Parfois, la mise en valeur d'un prêtre ordinaire peut servir à dénigrer la hiérarchie, selon le schéma classique du bon soldat et du méchant général.
C'est ce qu'on voit dans "Mission" de Roland Joffé (1986), où les efforts admirables du Père Gabriel pour protéger et évangéliser les Indiens Guaranis, dans les "réductions" jésuites, sont ruinés par l'ordre d'un cardinal d'abandonner son œuvre.
Au prix du massacre de mille quatre cents Indiens!
Le scénario de "Mission" a beau être loin de la vérité historique- il n'y eut ni massacre, ni cardinal-, il n'a pas peu contribué à renforcer la légende noire de l'évangélisation des Indiens.
Comme le piteux "Amen" de Costa-Gavras (2002) sur lequel j'ai écrit un article, où avance, cachée derrière la figure sympathique d'un jésuite fictif, la vieille haine contre Pie XII; accusé de tout l'antisémitisme du monde.
Heureusement, cette adaptation de la méchante pièce "Le Vicaire", de Rolph Hochluth, est trop bâclée pour être efficace.
Pour être parmi les hommes, le prêtre n'en est pas moins à une distance mystérieuse, due à son caractère sacré; car ne l'oublions pas, selon le dogme catholique, le prêtre parle et agit "in persona christi".
Certains films impressionnent à cet égard car leur sujet, pour une part, nous échappe.
Comment admettre que le Père Logan (Montgommery Clift) puisse à ce point préserver le secret de la confession, dans "La loi du silence" de Hitchcock (1953), qu'il prenne le risque d'être condamné à mort à la place de l'assassin, qui lui a avoué son crime?
Un tel silence est au-delà de la nature humaine.
"Le Défroqué" (1953) montre aussi des attitudes qui échappent à l'humain.
Dans ce film de Léo Joannon, un prêtre défroqué devenu athée (Pierre Fresnay) défie un séminariste qui s'est juré de le ramener à Dieu: il prononce devant lui les paroles de la consécration sur un seau de champagne rempli de vin! Dans le cabaret enfiévré où se passe la scène, le malheureux séminariste n'a d'autre recours que de boire, à genoux, tout le seau.
Cet acte n'a rien d'humain, il est divin !
La logique humaine et dramatique est encore déroutée dans le remarquable "Léon Morin prêtre "de Melville (1961).
Dans une histoire "normale", le séduisant Jean-Paul Belmondo, même ensoutané, ne pourrait refuser la passion que lui voue Emmanuelle Riva. Mais Léon Morin est prêtre et demeure prêtre pour l'Éternité. Et tant pis s'il est beau...Cela ne l'empêche pas de tancer vertement sa paroissienne.
Il lui dit:"Si vous pouviez courir après Dieu comme vous courez après le mâle !".
Il arrive que des prêtres soient beaux et séduisants.
Certaines femmes disent: "Quel dommage!".
Elles ne peuvent comprendre qu'un homme puisse offrir, par amour pour Dieu, toute sa beauté et sa jeunesse au Créateur.
Solitude du prêtre sur Terre...
Un homme séduisant pour Emmanuelle Riva, mais un prêtre d'abord.
Il arrive parfois que la caméra scrute le prêtre plus profondément et qu'elle révèle alors l'intermédiaire entre Dieu et les hommes.
Cela est visible dans les films tirés de Bernanos.
"Le journal d'un curé de campagne" et "Sous le soleil de Satan", adaptés à prés de quarante ans d'intervalle par deux cinéastes très opposés, offrent des exemples admirables qui méritent qu'on s'y arrête.
Entre le mystique Robert Bresson pour "Le journal d'un curé de campagne" (1950), et l'athée Maurice Pialat pour "Sous le soleil de Satan" (1987), on n'attendait pas de rencontre. Cependant, en suivant chacun la lettre de Bernanos, on peut s'apercevoir qu' ils se rejoignent dans la mise en évidence du caractère surnaturel du prêtre.
Évidence plus grande par le pouvoir de l'image qui montre comment la transparence même du curé d'Ambricourt du "Journal d'un curé de campagne" -visible dans le corps et le regard de l'acteur Claude Laydu- lui permet de lire dans les âmes.
Ou comment l'absolu de sa foi, accordé au physique abrupt de Depardieu, obtient à l'abbé Donissan de "Sous le soleil de Satan", la résurrection d'un enfant mort.
A travers les images différentes de la grâce, secrète ou violente, c'est finalement un même hommage à la dimension surnaturelle du prêtre.
Le cinéma d'aujourd'hui, reflétant la confusion religieuse de l'époque, peut-il encore présenter une image du prêtre conforme à la réalité de sa vocation?
Oui.
Et c'est le cinéma russe qui nous offre cette grâce!
Après plusieurs films branchés, le Russe Pavel Lounguine était un cinéaste respecté de la sphère médiatique.
Soudain, il choisit de tourner "L'Île" qui raconte l'histoire magnifique et bouleversante d'un criminel expiant son péché par une vie de prière et de pénitence dans un monastère...
Un film miracle.
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