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Humour belge à la sauce anglaise

Publié le par WalkTsin


SOURCE : wwwpatrick-weber.com


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La scène se passe à Buckingham Palace, un mardi vers quinze heures trente.

Un majordome invita le président à le suivre à travers les couloirs du palais. Ils franchirent plusieurs antichambres décorées de toiles de grands maîtres. Nicolas Sarkozy n'y jeta pas un oeil, profitant de ces quelques instants pour contrôler si rien ne clochait. Il réajusta une quinzaine de fois son noeud de cravate dont il ignorait d'ailleurs qu'il l’avait noué à la mode Windsor. Il contrôla les plis de son pantalon et le tombé de son veston. Il sentit la Rolex peser sur son poignet gauche et fut saisi d'une trouble hésitation. Devait-il la remonter et la faire glisser sous sa manche ou, au contraire, lui laisser vivre sa vie et s'afficher au grand jour, si tel était son bon plaisir. Ne lui avait-on pas suffisamment reproché d'être un président bling-bling dans les premiers moments de son quinquennat? Son regard fut attiré par une horloge dorée posée sur une cheminée et il se dit que décidément, sa montre n'avait aucune raison de se cacher dans un environnement aussi brillant. Absorbé par toutes ses pensées, il faillit ne pas comprendre que le GR royal touchait à sa fin. Le majordome lui adressa un signe respectueux pour qu'il s'arrête devant la grande porte blanche. Avait-il peur qu'il ne la percute de plein fouet, ce débile? Quel drôle de pays où même les valets manifestent une telle arrogance ! L'homme frappa un coup à la porte et après que le "come in" de circonstance eût été prononcé, il invita Nicolas Sarkozy à pénétrer dans le bureau personnel de Sa Très Gracieuse Majesté, Elizabeth II reine d'Angleterre, d'Ecosse, d'Irlande du Nord, protectrice du Commonwealth etc, etc.

La souveraine avait revêtu un ensemble jaune canari qui lui rappela instantanément les campagnes en faveur de la protection routière lorsqu'il était ministre de l'intérieur. L'imprimé de petites fleurs de la jupe était franchement ringard. Il regretta que Carlita ne soit pas à ses côtés pour voir cela de ses propres yeux. Il ne fallait absolument pas qu'il oublie de lui en parler ce soir. Au bras gauche, la reine portait son sac à main. Le président se demanda quelle pouvait bien être l'utilité de garder son sac à la maison. Se méfiait-elle à ce point de son personnel? Ce n'est pas à l'Elysée qu'on verrait un truc pareil. Un seul coup de Kärcher et hop, on dégage la racaille dans la valetaille.

- Monsieur Sarkozy, c'est un plaisir lui dit la reine dans un français parfait.

- The same for me, répondit le président.

Sarkozy avait promis la rupture. Elle valait aussi pour ses rencontres avec les chefs d'Etat étrangers. Gracieuse majesté ou pas, il était déterminé à lui parler un langage moderne. Il voulut continuer en anglais comme il avait coutume de le faire avec ses potes US mais la souveraine poursuivit dans un Français impeccable en l'invitant à prendre place sur un fauteuil, face à elle, devant la cheminée. Sarkozy sourit à cette invitation et décida qu'il était temps de démontrer la chaleur des bonnes relations franco-anglaises. Avant de s'asseoir, il la gratifia d'une tape amicale sur l'épaule. Elizabeth demeura impassible et posa son sac à terre. Sarkozy ramena vers lui la main comme un chien qui se serait aventuré en terre inconnue et qui doit rentrer au bercail.

- J'aime beaucoup la France, commença la reine Elizabeth.

- C'est pas mal non plus l'Angleterre, répondit le président sur le ton de la rupture qui lui était cher.

- Depuis Monsieur de Gaulle, j'ai eu l'occasion de rencontrer tous vos prédécesseurs. Je conserve d'excellents souvenirs de messieurs Georges Pompidou, Giscard d'Estaing, François Mitterrand et Jacques Chirac.

Cette fois, Sarkozy se contenta de sourire en guise de réponse. D'ailleurs, cette énumération n'appelait aucune réponse. Il se dit que la vieille devait exercer sa mémoire. Il faudrait qu'il en parle au ministre de la santé pour le plan Alzheimer.

- Mon arrière-arrière-grand-mère, la reine Victoria a très bien connu votre empereur Napoléon III. Nous conservons quelques souvenirs de ses visites ici même et puis de son regrettable exil.

Quoi? Cette fois-ci, il n'en croyait pas ses oreilles! La vieille lui donnait une leçon d'histoire et en plus, elle lui faisait comprendre qu'il finirait un jour par réclamer l'exil en Angleterre. Quel culot! Il se préparait à riposter avec le même à propos que le jour où il s’était fait apostropher par un marin pêcheur en colère mais à ce moment précis, un autre majordome fit son entrée dans la pièce avec un plateau de thé et des scones. Elle avait décidément sorti la grosse artillerie la Queen! À cette heure de l'après-midi, il aurait préféré un Coca et des cacahuètes mais un bon président doit savoir composer avec les coutumes locales. Va pour l'eau de vaisselle et les petits gâteau Papy Brossard. Si ça lui fait plaisir...

Après avoir avalé une tasse d'Earl Gray, il décida de couper court aux salamalèques et d'entrer dans le vif du sujet. Il sortit deux fois la tête de son cou comme une girafe marchant dans la savane. Chez lui, c'était toujours signe de prise de contrôle de l'auditoire.

- Madame, ce sont mes conseillers en communication qui m'ont proposé de venir vous voir... Vous savez que j'ai été élu triomphalement, c'est la force de la démocratie de tirer sa légitimité du peuple, non?

La reine se contenta d'acquiescer avec l'expressivité de la Joconde confronté à un comité d'entreprise japonais en visite au Louvre un samedi après-midi.

- Mais depuis lors, poursuivit Sarkozy, j'ai rencontré quelques... euh... turbulences côté sondages. Et nous travaillons sur une reconquête de l'opinion pour donner un coup de fouet à ma cote de popularité.

Sarkozy poursuivait ses explications en touillant un peu nerveusement dans sa tasse en porcelaine. Le "ding ding" qu'il produisait à chaque rotation résonnait pas la pièce mais il ne s'en apercevait pas.

- Bref, comme ça fait un bon bout de temps que vous faites ce job, que vous avez connu, vous aussi, quelques zones de turbulence, mais que vous avez retrouvé la cote dans les sondages, on s'est dit que vous pourriez nous donner quelques conseils.

La reine fronça légèrement les yeux. Le mouvement était imperceptible mais confronté à sa position de statue depuis le début de l'entretien, il en acquérait presque la dimension d'une prestation scénique de Johnny au Stade de France.

- Et bien, dit-elle après s’être accordé un délai de réflexion, je dirais que nous nous soucions peu de popularité. En fait, il en allait ainsi du temps de mes parents et de mes beaux-parents. Mais je dois reconnaître que les temps ont changé. Comme vous avez eu l'obligeance de le rappeler, j'ai moi aussi, connu des périodes plus difficiles.

Sarkozy ne perçut pas cette allusion à peine voilée à son manque de tact. Il était content de lui. Sa méthode « cash » avait encore payé: la vieille allait lâcher le morceau.

- Vous savez Monsieur de Président, ma famille occupe le job comme vous dites depuis longtemps. Nous avons acquis une certaine expérience, un peu comme une famille de paysans qui se transmet la ferme de génération en génération..

- OK, mais moi je dois faire vite!

- C'est vrai, vous avez un... comme dites-vous encore en France? Ah oui, un CDD. Je dois reconnaître que j'ai la chance d'avoir décroché un CDI.

Sa Gracieuse Majesté esquissa un sourire et trempa les lèvres dans sa tasse de thé. Sarkozy n'était pas sûr d'apprécier l'humour anglais à deux balles. Mais il était déterminé à connaître le secret de la vieille. Il attaqua franco.

- On me traite de président bling-bling mais vous n'êtes pas très fashion et pourtant, les jeunes vous aiment!

- Vous êtes « bling-bling » et moi «bibi », « chacun son truc » as you say in french...

- Bon mais Carlita, c'est quand même autre chose de Camilla, non?

- Nous avons déjà donné dans le glamour, merci!

- Mais je n'arrête pas de leur parler aux Français. Il me voient, ils m'entendent tout le temps!

- Moi j'ai appris à me taire. On sous-estime trop souvent la force du silence...

- Facile à dire ! Vous ne devez pas vous faire élire, vous! Nous sommes une démocratie.

Un éclair traversa le regard de la reine. Il fut bref mais si le président l’avait mieux connue, peut-être aurait-il compris qu'il était signe d'un profond mécontentement.

- La démocratie anglaise et la meilleure alliée de la couronne et vice-versa.

- Oui, corrigea Sarkozy de mauvaise grâce, ce n'est pas ce que je voulais dire. Je voulais parler de la république. - C'est ça le problème avec les Français, depuis que vous avez coupé la tête de ce pauvre Louis, vous confondez démocratie et république. Voyez-vous Monsieur le Président, l'important n'est pas tellement ce que je fais mais ce que je suis. À ma manière, je suis un symbole, au même titre que la tour de Londres ou le Tower Bridge. Certes, je suis loin d'être à la mode mais ce n'est pas ce que les Anglais me demandent. Je ne cours pas après la popularité parce que je sais que je possède le plus solide des alliés.

- Lequel, interrogea le président qui était sur le point d'obtenir la réponse à ses questions.

- Le temps Monsieur Sarkozy, le temps...

"Je suis l’amoureuse, je suis ton amoureuse..."

Le président porta sa main nerveusement sur sa poche. Il faudra absolument qu'il demande à son fils Pierre de changer cette sonnerie de portable. Bon, c'est mieux que Mireille Mathieu mais à force, ça lasse. Il regarda le nom qui s’affichait sur le cadran (Carlita), songea à décrocher puis, quand il vit la Queen face à lui, préféra couper.

- Excusez-moi Madame, bredouilla-t-il, un peu gêné. Vous savez ce que c'est, on oublie de le couper et puis, on se sait jamais, cela peut être important.

La reine songea lui répondre que « non, elle ne savait pas ce que c'était ». Qu'il lui arrivait rarement d'envoyer des textos lors des voyages officiels et qu'elle s'échinait depuis plus de soixante ans à donner à son interlocuteur l'impression que c'était lui qui était important lorsqu'elle se trouvait face à lui même si elle préfèrerait s'occuper de ses corgis plutôt que de faire le tour de ses États. Elle saisit la poignée de son sac ce qui correspondait chez elle à la fin de l'entretien. Sarkozy qui avait été briefé sur cette habitude élizabethaine se leva. Il lui tendit une poignée de main alors qu'il méditait déjà les paroles de la reine.

Le temps? C'était bien ce qu'il pensait. Il n'y avait pas de temps à perdre. Il fallait qu'il songe dès aujourd'hui à sa réélection. Il passa un coup de fil à son secrétariat pour booker une réunion avec les communicants. Un briefing du style "un président qui dure, c'est mieux". Content de lui, il se dit qu'il devrait aussi toucher un mot à Carlita de l'histoire du sac. Ce serait pas mal comme truc pour les voyages officiels, surtout ceux où l'on se fait sérieusement chier...

Publié dans Divers

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