Témoignage :la tiédeur raisonnable est bien impossible quand on a rencontré la personne du Christ.
Normalienne, énarque, Anne Coffiner ne semblait pas destinée à rencontrer la foi. Ce bouleversement l’a amenée à mettre en suspens sa carrière, au risque d’être incomprise par son entourage.
"Un an après la mort de mon père, j’avais envie de faire quelque chose pour lui manifester mon amour. Mais quoi ?
Pourquoi ai-je pensé à une messe pour le repos de son âme ? Je ne sais pas. Lui-même s’était éloigné de la pratique des sacrements. Je me suis dit : « Si Dieu n’existe pas, c’est juste absurde.
S’il existe, Il comprendra. »Et comme la bibliothèque de mon père était pleine de livres sur la liturgie catholique d’avant Vatican II, j’ai donc opté pour une messe en latin. Je n’ai pas compris grand-chose, mais j’ai été bouleversée. A genoux, en pleurs de joie. « C’est ca ! Voilà la Vérité que je cherchais depuis si longtemps et qui me manquait ! »
J’ai senti la vie affluer violemment en moi. Les premiers temps de ma conversion ont été extraordinaires. J’ai découvert, en participant au pèlerinage de Chartres que 10 000 personnes pouvaient marcher trois jours durant, portant de vieux anoraks et croquant des quignons de pain, vieux et jeunes confondus, mus par la seule Foi. Je me suis inscrite au catéchisme pour adultes, suivi par un groupe improbable de clochards, de thésards et d’universitaires communistes en crise. J’ai reçu des grâces ; par mes pauvres prières, j’ai obtenu la sortie du coma d’un homme. La vitalité nouvelle que je sentais en moi ne devait rien au sentimentalisme, aux sermons à l’eau de rose et aux repentances infinies que j’associais au catholicisme. C’est vraiment la liturgie catholique, romaine, grégorienne, dans sa concision et son immémoriale beauté qui m’a donné le goût de suivre le Christ.
J’étais alors élève de l’ENA, mes camarades m’ont traité de folle quand ils m’ont vu plongé dans la Somme théologique de saint Thomas au lieu de m’occuper de mon rang de sortie. Pourquoi faire tant de foin pour une affaire privée ? Dieu est, embrase tout : la tiédeur raisonnable est bien impossible quand on a rencontré la personne du Christ. Chercher à donner après avoir reçu la foi, la vie, l’espérance, telle a alors été mon obsession. J’ai quitté mon métier de diplomate pour créer une ONG : la fondation pour l’école, et donné la vie à deux nouveaux enfants ! Pour revenir à ma conversion, je dirais qu’elle a mis trois exigences au centre de mon existence, la vérité, la liberté et la vie intérieure, la prière. Les athées ne se doutent pas de la profondeur de l’aventure intérieure, la dernière vraie frontière . Peu importe alors d’être incomprise et brocardée sans cesse."
Propos recueillis par AL, pour PHILOSOPHIE MAGAZINE, n°47, mars 2011