Pourquoi Marie?
"Pour l'honneur et la gloire de votre Fils, acceptez-moi comme votre enfant, sans avoir égard à mes misères et à mes péchés."
"Réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi"
"En la suivant, on ne dévie pas ; en la priant, on ne désespère pas ; en pensant à elle, on ne se trompe pas ; Si elle te tient par la main, tu ne tomberas pas ; si elle te guide, tu ne connaîtras pas la fatigue ; si elle est avec toi, tu es sûr d'arriver au but."
Saint Bernard
Traité de la dévotion à la Sainte Vierge :
2° Elle est tendre, c'est-à-dire pleine de confiance en la très sainte Vierge, comme d'un enfant dans sa bonne mère. Elle fait qu'une âme recourt à elle en tous ses besoins de corps et d'esprit, avec beaucoup de simplicité, de confiance et de tendresse. Elle implore l'aide de sa bonne Mère en tous temps, en tous lieux et en toutes choses : dans ses doutes, pour en être éclaircie ; dans ses égarements, pour en être redressée ; dans ses tentations, pour être soutenue ; dans ses faiblesses, pour être fortifiée ; dans ses chutes, pour être relevée ; dans ses découragements, pour être encouragée ; dans ses scrupules, pour en être ôtée ; dans ses croix, travaux et traverses de la vie, pour en être consolée ; enfin, en tous ses maux de corps et d'esprit, Marie est son recours ordinaire, sans crainte d'importuner cette bonne Mère et de déplaire à Jésus-Christ.
3° La vraie dévotion à la sainte Vierge est sainte, c'est-à-dire qu'elle porte une âme à éviter le péché et à imiter, de la très sainte Vierge, particulièrement son humilité profonde, sa foi vive, son obéissance aveugle, son oraison continuelle, sa mortification universelle, sa pureté divine, sa charité ardente, sa patience héroïque, sa douceur angélique et sa sagesse divine. Ce sont les dix principales vertus de la très sainte Vierge.
4° La vraie dévotion à la sainte Vierge est constante : elle affermit une âme dans le bien, et elle la porte à ne pas quitter facilement ses pratiques de dévotion ; elle la rend courageuse pour s'opposer au monde dans ses modes et ses maximes, à la chair dans ses ennuis et ses passions, et au diable dans ses tentations ; en sorte qu'une personne vraiment dévote à la sainte Vierge n'est point changeante, chagrine, scrupuleuse ni craintive. Ce n'est pas qu'elle ne tombe, et qu'elle ne change quelquefois dans sa sensibilité et sa dévotion : mais, si elle tombe, elle se relève en tendant la main à sa bonne Mère ; si elle devient sans goût ni dévotion sensible, elle ne s'en met point en peine ; car le juste et le dévot fidèle de Marie vit de la foi de Jésus et de Marie, et non des sentiments du corps (1).
5° Enfin, la vraie dévotion à la sainte Vierge est désintéressée, c'est-à-dire qu'elle inspire à une âme de ne se point rechercher, mais Dieu seul dans sa sainte Mère. Un vrai dévot de Marie ne sert pas cette auguste reine par un esprit de lucre et d'intérêt ; ni pour son bien temporel, ni corporel, ni spirituel ; mais uniquement parce qu'elle mérite d'être servie, et Dieu seul en elle. Il n'aime pas Marie précisément parce qu'elle lui fait du bien, ou qu'il en espère d'elle ; mais parce qu'elle est aimable. C'est pourquoi il l'aime et la sert aussi fidèlement dans les dégoûts et les sécheresses que dans les douceurs et ferveurs sensibles ; il l'aime autant sur le Calvaire qu'aux noces de Cana. Oh ! qu'un tel dévot à la sainte Vierge, qui ne se recherche en rien dans les services qu'il lui rend, est agréable et précieux aux yeux de Dieu et de sa sainte Mère ! Mais qu'il est rare maintenant ! C'est afin qu'il ne soit plus si rare, que j'ai mis la plume à la main pour écrire sur le papier ce que j'ai enseigné en public et en particulier, dans mes missions, pendant bien des années.
(1) : Des sentiments où le corps a sa part, et qu'on appelle ordinairement les goûts et ferveurs sensibles.
Les larmes sont un legs de la Mère des Douleurs, legs tellement redoutable qu'on ne peut le dissiper dans les vaines affections du monde sans se rendre coupable d'une sorte de sacrilège. Sainte Rose de Lima disait que nos larmes sont à Dieu et que quiconque les verse sans songer à lui, les lui vole. Elle sont à Dieu et à celle qui a donné à Dieu la chair et le sang de son Humanité. Si saint Ambroise, se souvenant de Monique, appelle Augustin " le Fils de si grandes larmes ; filius tantarum lacrymarum ", à quelle profondeur ne faut-il pas entendre que nous sommes fils des Larmes de la Créature d'exception qui a reçu l'incomparable privilège, en tant que Mère de Dieu, d'offrir au Père éternel une réparation suffisante pour le crime sans nom ni mesure qui servit à Jésus à accomplir la rédemption du monde ? Quand sainte Monique pleurait sur les égarements du futur docteur de la grâce, ses larmes étaient comme un fleuve de gloire qui portait son fils incrédule dans ses bras infatigablement étendus à l'Auteur de la Grâce. Mais cependant, elle n'avait que ses larmes à offrir et c'était la conversion de ce seul fils qu'elle avait en vue. Quand Marie pleure sur nous, ses Larmes sont un véritable déluge universel du Sang divin, dont elle est la Dispensatrice souveraine, et cette effusion est en même temps la plus parfaite de toutes les oblations. Comme elle est la seule Mère selon la Grâce qui ait le pouvoir de le faire adorer à l'innombrable multitude de ses autres enfants par la seule vertu de ses larmes.
Les larmes de la Sainte Vierge ne sont mentionnées dans l'Evangile qu'une seule fois, lorsqu'elle prononce sa quatrième parole, après avoir retrouvé son Fils. Et c'est elle-même qui en parle à ce moment-là. Ailleurs, les évangélistes disent simplement que Jésus pleura, et cela doit nous suffire pour deviner ce que faisait sa Mère. Saint Bernardin de Sienne dit que la douleur de la Sainte Vierge a été si grande que si elle était divisée et partagée entre toutes les créatures capables de souffrir, celles-ci périraient à l'instant. Or, si l'on tient compte de la prodigieuse illumination de cette âme remplie de l'Esprit-Saint pour qui les choses futures avaient sans doute une réalité actuelle et sensible, il faut entendre cette affirmation, non seulement du Vendredi Saint, mais encore de tous les instants de sa vie, depuis la salutation de l'archange jusqu'à sa mort.
Lorsque la Sainte Famille, repoussée de toutes les portes de Bethléem, s'en allait chercher un refuge dans cette caverne sauvage où devait se lever le Soleil du monde, les larmes de Marie marquèrent le seuil de ces demeures inhospitalières qui n'avaient pas de place pour accueillir la misère de Dieu. Ces larmes sorties du même Cœur que le Sang du Verbe incarné furent un signe de colère divine pour les misérables habitants de ce désert de cœurs. Elles durent ronger le granit et le sol à des profondeurs épouvantables, et il ne fallut rien moins que le sang innocent de tous les nouveau-nés pour en apaiser la fureur et pour en effacer la trace. Plus tard, pendant la Fuite en Egypte, quand Jésus enfant prenait possession de l'immense monde obscur de la gentilité représenté par " cette terre d'angoisse ", il était porté dans les bras de sa Mère qui préludait ainsi aux conquêtes de sa domination future. La longue route de ces pauvres pèlerins et les lieux pleins d'idoles où ils s'arrêtèrent furent arrosés de beaucoup de larmes silencieuses qui coulaient le long des joues de la Vierge sans tache et tombaient sur le sol comme une semence, après avoir roulé sur les membres de l'Enfant divin. Deux cents ans après, cette même Egypte, devenue patrie des tribulations volontaires, se remplissait de ces sublimes anachorètes qui furent, après les martyrs, la plus splendide floraison du catholicisme.
Le mystère des trois jours d'absence étant arrivé, Marie parcourt les rues et les places de Jérusalem à la recherche de son Enfant perdu. La recherche dure trois jours en compagnie de l'homme extraordinaire que les saints ont appelé l'ombre du Père éternel. Ils pleurent tous les deux, et, cette fois, leurs larmes sont attestées par elle-même qui parle si rarement. Ils cherchent de tous côtés, ils interrogent les passants, riches on pauvres, vertueux ou criminels, moqueurs ou compatissants. Qu'on se représente cet interrogatoire unique de tous les habitants d'une ville indifférente ou affairée par la Mère des Vivants à la recherche du Verbe de Dieu. Ces trois jours d'absence qui furent le troisième glaive de Marie et que quelques écrivains catholiques regardent comme le plus douloureux de tous, méritent qu'on y pense profondément. Il est bon de remarquer que cette Mère incomparable, dans l'impuissance absolue de découvrir son Fils avant le terme mystérieux et incertain pour elle des trois jours, et connaissant d'ailleurs par la plénitude de son illumination prophétique les détails les plus affreux de la Passion, dut principalement porter ses recherches sur la future Voie douloureuse où elle savait que son Amour serait un jour foulé aux pieds de la plus cruelle et de la plus vile populace. C'est là, sans doute, qu'elle répandit ses larmes les plus amères, préparant ainsi le sol pour d'autres effusions à venir dans un temps où personne ne chercherait plus le Verbe de Dieu dans Jérusalem. L'éternité seule pourra donner à la conscience humaine la vraie mesure de ce fait d'une telle Mère cherchant un tel Fils dans une ville si étrangement prédestinée. C'est bien autre chose qu'à Bethléem où du moins Marie ne cherchait qu'un abri pour enfanter la Lumière ? Ici, elle cherche la Lumière absente avec l'étonnante incertitude d'avoir mérité cet abandon et l'évidence supérieure de l'inutilité parfaite de ses recherches, si ce soupçon déchirant est réellement fondé. Dans le premier cas, la dureté de cœur des habitants de Bethléem est une espèce de prodige humain qui regarde tous les pécheurs et qui démasque soudainement les abîmes de la nature de l'homme déchu ; dans le second cas, l'apparente cruauté de Jésus pour sa Mère est un mystère divin qui la regarde seule, une sorte de préparation ineffable, par la pratique d'une transcendante humiliation, aux abandons terribles d'un avenir de sang et d'agonie. Dans ces deux circonstances évangéliques, ce qu'il y a d'extérieur et de sensible pour nous, c'est toujours l'effusion d'un même cœur immense et brisé qui ne se contente pas d'avoir donné la vie au Soleil de justice, mais qui voudrait encore lui faire un océan de larmes amoureuses où il pût se coucher avec splendeur.
Le Symbolisme de l'Apparition, Paris, Mercure de France, 1925.
Saint François de Sales (1567-1622)
Prière à Marie toute bonne et toute puissante
Ayez mémoire et souvenance, très douce Vierge, que vous êtes ma Mère et que je suis votre fils ; que vous êtes puissante et que je suis un pauvre homme, vil et faible.
Je vous supplie, très douce Mère, que vous me gouverniez dans toutes mes voies et actions.
Ne dites pas, gracieuse Vierge, que vous ne pouvez ! car votre bien-aimé Fils vous a donné tout pouvoir, tant au ciel comme en terre ;
Ne dites pas que vous ne devez ; car vous êtes la commune Mère de tous les pauvres humains et particulièrement la mienne.
Si vous ne pouviez, je vous excuserais, disant : il est vrai qu'elle est ma Mère et qu'elle me chérit comme son fils, mais la pauvrette manque d'avoir et de pouvoir.
Si vous n'étiez ma Mère, avec raison je patienterais, disant : elle est bien assez riche pour m'assister ; mais, hélas ! n'étant pas ma Mère, elle ne m'aime pas.
Puis donc, très douce Vierge, que vous êtes ma Mère, et que vous êtes puissante, comment vous excuserais-je si vous ne me soulagez et ne me prêtez votre secours et assistance ?
Vous voyez, ma Mère, que vous êtes contrainte d'acquiescer à toutes mes demandes.
Pour l'honneur et la gloire de votre Fils, acceptez-moi comme votre enfant, sans avoir égard à mes misères et à mes péchés. Délivrez mon âme et mon corps de tout mal et me donnez toutes vos vertus, surtout l'humilité. Enfin, faites-moi présent de tous les dons, biens et grâces qui plaisent à la Sainte Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit.
Ainsi soit-il.